Les deux chèvres

Dr Nesrine Choucri Lundi 21 Mai 2018-14:56:52 Shéhérazade raconte
Les deux chèvres
Les deux chèvres

Shéhérazade raconte tous les soirs des histoires au roi. Des histoires qu'elle a regroupées du fond de l'Egypte, mais qui sont riches en morale. Aujourd'hui, elle raconte l'histoire des deux chèvres.

Il était une fois un paysan qui avait deux chèvres. Deux chèvres différentes par leurs formes que par leur caractère. La première était bien grosse et remplies de viandes, ses poils étaient toujours propres et éclatants. Elle était sa préférée. Le paysan était toujours attentionné envers cette chèvre et il la caressait tout le temps à son passage. L’autre chèvre était maigre, ses poils toujours mal coiffés et mal propres. Le paysan ne la voyait même pas, elle était inexistante pour lui. Un jour, la belle chèvre a commencé à vanter sa beauté devant l’autre chèvre : « Je suis belle, propre, en bonne santé et même aimée. Toi, tu es honnie. Regarde-toi dans le miroir. Tu es maigre, malade et mal-coiffée. D’ailleurs, le propriétaire ne t’aime pas. Il me préfère énormément ».

Les deux chèvres vivaient dans la même étable et la belle chèvre ne manquait pas une occasion pour faire comprendre à l’autre qu’elle est laide et qu’elle est sans importance. La pauvre petite chèvre se sentait alors opprimée, maltraitée et sans valeur. Elle se demandait souvent : « Qu’est-ce que j’ai fait de mal pour que je souffre de la sorte ? »

Petit à petit, la petite chèvre convaincue de sa laideur a alors compris qu’il fallait se tenir à l’écart. Ni l’autre chèvre, ni le propriétaire de l’étable ne voulait d’elle. Tout le monde cherchait à l’éloigner par tous les moyens possibles. Elle a donc pris de la distance. Mais, elle a cherché à mieux se nourrir pour grossir et être peut-être aimée du paysan.

La situation s’est maintenue ainsi jusqu’au jour où le boucher est arrivé dans la ferme. Il s’agit d’un grand boucher habillé d’une vaste djellaba blanche et autour de sa taille, il portait une grosse ceinture en cuir dans laquelle il avait fixé un énorme couteau. On aurait dit une épée tellement le couteau était énorme.  Les deux chèvres ne comprenaient pas ce qui se passait, mais elles ont eu énormément peur à la vue du couteau. Elles ne savaient pas ce qui les attendait.

 Le boucher a commencé à accorder un intérêt particulier à la grosse chèvre. Ses regards scintillaient à sa vue. Le propriétaire disait des chiffres, des chiffres énormes et le boucher ne contestait pas, il semblait être satisfait.

La grosse chèvre commençait à comprendre qu’elle était concernée par cette discussion. Une peur bleue s’empara d’elle. Elle a accouru vite vers l’autre chèvre et lui a dit : « Tu as vu le boucher, il m’effraie. Est-ce que tu penses qu’il va chercher à nous faire du mal ? »

Sur un ton froid et glacé, la petite chèvre a répondu : « Nous! Il ne parlait pas de nous. Il parle de toi. Pourquoi serais-je concernée ? »

La belle chèvre lui a dit : « Parce que nous sommes deux sœurs ».

L’autre lui a répondu : « Sœurs ?! Je ne le crois pas du tout. Nous ne sommes pas des sœurs, mais des chèvres l’une belle, l’autre laide. Les belles sont plus nanties et moi, je ne suis pas belle, je suis laide, malheureuse et malchanceuse. Alors, laisse-moi en paix ».

Face au froid de la chèvre chétive, la bellissime s’est retirée en silence et s’est tue. Son propriétaire l’a prise de la corde et l’a emmenée vers le boucher. L’autre  chèvre la regardait au loin s’en aller, elle n’était ni triomphante, ni malheureuse, mais, elle avait compris pour la première fois que le mal a toujours une double face. Etre laid peut éviter un mal autant qu’il cause du mal. Etre beau peut être la source de bien et de mal. Ce jour-là, elle a appris que dans la vie : « Tout avait une double face et que rien n’était éternel ».

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